Edito
ON NE TRICHE PLUS
Allez, c’est fini, on arrête de faire semblant, on ne triche plus. Ça fait maintenant quelques années qu’on croule sous un flux de communication, d’apparences, et où, quand on écoute un disque ou qu’on regarde une vidéo, on a de plus en plus de mal à se demander si ce qui est joué est authentique ou totalement maquillé. On ne parle même pas d’IA ici, manifestement c’est parti en sucette sans même l’aide d’un cerveau électronique... Qu’est-ce qui fait que l’émotion passe ? Certainement pas un filtre Snapchat ou l’alignement automatique des notes dans Pro Tools. Qu’est-ce qui nous a donné envie de jouer un jour de la guitare, et qu’est-ce qui fait que notre instrument peut encore faire rêver et reste (malgré l’omniprésence des musiques dites urbaines qui sont au bord de l’implosion) une source d’émerveillement toujours renouvelée ? À lire l’interview de Joe Bonamassa et l’hommage à Sylvain Luc, on peut s’en faire une idée. L’un comme l’autre n’ont jamais triché et n’ont jamais cédé à la facilité. Joe nous raconte comment l’énergie du rock passe par un contact direct avec l’instrument, un jeu en réelle interaction avec le reste du groupe et finalement très peu de saturation derrière laquelle se cacher. Alors oui, il faut savoir gérer le volume et être au clair avec son niveau de musicien, car dans ces conditions, il n’y a pas de miracle. Seuls ceux qui ont bossé l’instrument sans relâche s’en sortent. Pour Sylvain Luc, c’est encore plus flagrant puisque la prise de risque est constitutive de sa musique même. La recherche de l’instant, de l’échange et de la communication par la musique a été un leitmotiv constant de sa vie. Quand on se permet de monter sur scène sans réellement avoir de programme et, pour autant, en étant prêt à ce que tout arrive, ça confine au génie. Difficile d’utiliser un autre mot pour le qualifier, mais les mots de ceux qui l’ont côtoyé au plus près vous permettront de prendre la mesure de l’immense musicien qu’il était.
Ludovic Egraz
Numéro 134
7,90€