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N°145

DENZO CUSTOM Skytree Gold Digger

La pépite d’outre-Quiévrain

La Belgique est un pays qui a du savoir-faire, on le savait pour le chocolat, les gaufres, les frites et les statuts fiscaux avantageux, mais on ne pensait pas à ce charmant coin du monde en ce qui concerne la lutherie. David D’Ascenzo s’est fait une spécialité de proposer des répliques d’instruments à manche vissé, d’inspiration ouvertement californienne, tout en gardant une identité propre. En gros, faire mieux que Fender sans faire exactement du Fender. Ici, donc, pas de recréation ultra-fidèle de la Strat ou de la Telecaster, mais une vision personnelle de l’instrument. Première à passer dans ces pages : la Skytree Gold Digger, une Superstrat qui nous est tombée dessus lors du dernier Guitare Village Fest et dont on ne s’est pas encore remis.

Gold is good

Il y a les partisans des finitions sobres et il y a les autres, ceux qui n’ont pas envie de jouer de la guitare pour rester dans un coin de la pièce. Pour ceux-là, Denzo a pensé une finition gold somptueuse, dont le vieillissement artificiel a été poussé assez loin. Le travail du faïençage est totalement maîtrisé, sur le corps comme sur le manche, sachant que depuis cet instrument qui est l’exemplaire personnel du luthier, il a encore monté la barre d’un cran. Le corps est en American Red Alder, un aulne donc, plutôt léger. Le manche est en érable et se trouve recouvert d’une touche en palissandre indien. Le radius annoncé est de 7 pouces 1/4, un choix plutôt orienté vintage donc, ce que confirme la présence de seulement 21 frettes, à l’ancienne par conséquent. On remarque la plaque mint green qui propose une combinaison généreuse de deux doubles et un simple bobinage. Les boutons sont de type Top Hat, pourquoi pas : ce n’est pas ce qu’on préfère de prime abord sur une Strat, mais c’est raccord avec le propos. On remarque que le potard de volume a été rabaissé pour laisser de la place à la main droite et éventuellement à la tige de vibrato. Ce dernier est travaillé spécifiquement par Denzo pour offrir le maximum de ce qu’on peut obtenir d’un design vintage.

Pontets sans vis qui dépassent (merci pour la main droite), le bras ne se visse pas mais s’enfonce directement dans sa cavité et on dispose d’un verrou pour le bloquer, très utile en cas de casse ou pour effectuer des plans à la Jerry Donahue à base de triple bends (essayez avec un vibrato flottant, il y a de quoi devenir dingue). Revenons à l’électronique pour découvrir que les micros sont fabriqués main par Denzo et qu’on dispose d’un routing optimisé à l’extrême. En effet, les contrôles sont pensés pour être les plus simples possibles : un volume et une tonalité. Le troisième potard est un blend (mélange) qui permet d’ajouter le micro manche au micro chevalet, les deux doubles étant splittables. De fait, on peut avoir les sons d’une Strat (si les splits sont bien pensés…) et d’une Les Paul, d’autant plus que les humbuckers sont référencés « Denzo PAF 59 ». Faudrait voir à pas nous donner trop l’eau à la bouche. Pour l’oeil averti, on sent malgré l’impression que la finition a été sacrément maltraitée pour obtenir ce relic somptueux, que l’assemblage ne laisse pas vraiment de place au hasard. D’ailleurs, sans aller à l’extrême dans les dimensions à l’ancienne, le profil du manche est un compromis idéal de rondeur et d’épaisseur.

Nouveau standard

Quelques notes sur la Gold Digger suffisent à se rendre compte que David sait exactement de quoi il parle. L’hommage à la Strat des années 60 est total avec un feeling incroyable et des sensations vraiment authentiques. La guitare résonne parfaitement et le jeu acoustique laisse augurer du meilleur. Branchée successivement sur deux amplis AMS (pas celui testé dans ce numéro, mais un Hurricane et un Revenge), la Gold Digger nous a mis KO. Non seulement on retrouve toutes les sonorités d’une Strat HSH avec de la rondeur sur les doubles, mais également de l’attaque et suffisamment d’acidité pour ne pas sombrer dans la caricature de la Superstrat des années 80, mais plutôt pencher du côté Gibson fifties. Là où Denzo fait fort, c’est que le split est maîtrisé au point qu’on retrouve les caractéristiques sonores des micros simples, sans le côté anémique des guitares modernes sur les positions splittées. Les slots 2 et 4 du sélecteur offrent certes des sonorités hors phases typiques, mais également pleines de matière dans le bas, histoire de ne pas faire pâle figure par rapport à une série L. Cerise sur le gâteau, le blend offre deux sonorités supplémentaires (sur la position 1 du sélecteur), celle de la position intermédiaire d’une Gibson (ceux qui aiment le funk à la Meters vont aimer) et celle assez proche de la position intermédiaire d’une Telecaster. Sortez les plans à la Brad Paisley, on y est carrément. Le tableau serait incomplet si on ne mentionnait pas l’incroyable travail effectué sur le vibrato six points qui le rend à la fois flexible, précis et fiable. Amateurs de phrases à la Jeff Beck, il peut le faire, fans de dive bombing, allez-y sans crainte, sachant qu’il peut tout aussi bien faire le taf standard discrètement.

En son clair, c’est effectivement somptueux, avec suffisamment de fragilité pour permettre un son vivant et délicat. Dès qu’on commence à approcher les frontières du crunch, on nage en plein territoire hendrixien, ce côté creusé mais gavé de bas médium tout de même, qui donne envie de phraser rhythm’n’blues. En saturation, c’est entre Van Halen et Eric Johnson : ça prend le drive de l’ampli comme si de rien n’était et si vous voulez jouer de la fuzz, ça va le faire de manière identique avec une possibilité de clean up comme on en voit rarement (on garde les aigus, sans qu’on ne sache, faute d’avoir demandé, si c’est grâce à un treble bleed, ce qu’on ne croit pas, ou à un câblage fifties du potard de volume, ce qui nous semble plus probable, mais on peut se tromper). Seuls les purs shredders pourront trouver à redire sur le choix du radius, moins évident de prime abord pour les bends de trois tons et le pur legato, mais honnêtement ce n’est même pas un argument. Alors oui, le prix est en rapport avec le fait qu’on achète à un artisan européen, mais le niveau est celui d’un Custom Shop très haut de gamme. On est dans la veine de James Tyler ou de John Suhr (grande période), ni plus ni moins. Quant à nous, on se demande comment on n’a pas encore craqué. Denzo propose toute la gamme Skytree, dont le dessin est celui de la Strat, la Gold Digger étant un modèle spécifique. Les prix varient en fonction des options et de la finition. Bon sang que c’est bon de tomber sur des gens compétents… •

Régis Savigny

Les + :
Absolument tout, le son, le confort, l’électronique, le vibrato, le look de malade, le gold, le gold, le gold.

Les – :
Denzo réussit à créer un besoin chez les gens qui pensent avoir tout vu et tout joué, c’est pas gentil ça…

Prix : 2990€