Edito
Il y a des albums qui croisent nos chemins à des moments cruciaux de nos vies et dont la substance entre en parfaite sympathie avec ce que l’on est en train d’expérimenter et de ressentir, qu’il s’agisse de joie, de dépression, de doute existentiel ou de deuil. Certains d’entre eux possèdent même une fibre si puissante et universelle qu’ils marquent toute une génération et finissent par devenir immortels, tant leurs chansons parviennent à capter l’air du temps et à zoomer sur les travers les plus malaisants de l’humanité à un instant T. Mettre les bons mots sur les bonnes notes... une véritable science de la justesse des émotions. Si le ressenti du songwriter vise au plus juste, alors l’auditeur sera frappé par la foudre au milieu du déluge, mais si la plume devient moins précise, il n’aura que l’impression de regarder un orage à l’horizon. Jerry Cantrell est un guitariste plein de force et de lyrisme, doublé d’un sublime compositeur, mais il a également le verbe à fleur de peau et sa poésie mélancolique est chargée du poids de l’infortune et de la mort. Si la lueur de l’aube finit toujours par pointer au bout de son tunnel, il y a des fantômes qui restent emberlificotés autour de ses mélodies. I Want Blood est le genre de disque qui nous accompagnera pour la vie. Il débarque à point nommé dans un monde troublé et le troubadour de 58 ans nous en livre sa vision, avec son recul, ses incertitudes et ses fractures. Nous sommes très fiers de célébrer cet album avec lui en lui dédiant notre couverture. Nos pérégrinations guitaristiques nous ont également amené à passer du côté indie de la force avec la concrétisation d’un vieux rêve : rencontrer Thurston Moore, architecte du rock bruitiste et avant-gardiste avec Sonic Youth dans les années 80 / 90. Le tortureur de Jazzmaster était récemment à Paris pour présenter son nouvel album solo Flow Critical Lucidity et nous avons profité de l’occasion pour l’intercepter à son hôtel. Une interview fleuve, bourrée d’anecdotes, que vous retrouverez dans ces pages. Bonne lecture !
Ludovic Egraz
Numéro 139
7,90€