Edito

Il y a tout juste un mois, nous recevions "Escape From Shadows", le sixième et fantastique album de Patrick Rondat, fruit d’une vision, d’une vie de labeur et d’une éthique artistique sans faille. Quasiment au même moment, le scandale Giacomo Turra provoquait un véritable séisme au cœur de la sphère guitare d’Internet (lire la rubrique de Julien Bitoun dans ce numéro). Star d’Instagram adulée, Turra s’est avéré être un escroc et un voleur incapable de jouer convenablement de son instrument dans la vraie vie, dont le succès n’a finalement rien apporté à notre communauté et qui a pourtant fait malhonnêtement son beurre durant des années avec la complicité de sponsors « qui savaient » mais qui n’ont jamais bronché, appâtés par « l’effet waouh », le buzz et les likes. Plus de 700 000 followers se sont fait berner par ce virtuose italien opportuniste de pacotille, et à vrai dire, c’est bien fait pour eux. Et vous savez quoi ? Il ne s’agit en rien d’un cas isolé. 90 % des guitaristes qui travaillent sur les réseaux sociaux n’ont pas le niveau et trichent en éditant l’audio de leurs vidéos, en feintant avec des subterfuges de montage ou en jouant purement et simplement en play-back (et en omettant systématiquement de le préciser, bien sûr). Peut-être serait-il temps de nous interroger sérieusement quant à cette maladie insidieuse qui ronge notre communauté à petit feu, ainsi que sur la qualité des contenus que nous consommons en scrollant quotidiennement sur nos fils d’actu. Devenons plus critiques, sélectifs et intransigeants quant à ce que nous regardons, et remettons la création, le talent et l’authenticité au cœur de l’équation en valorisant les artistes qui bâtissent un univers, une œuvre, une carrière, que leur terrain de jeu soit Internet, les studios d’enregistrement ou les salles de concert, voire tout cela à la fois. La création, c’est le sang qui coule dans les veines de notre passion, et si nous sommes tous ici aujourd’hui, c’est parce que des musiciens ont façonné et enregistré des albums qui nous ont tellement bouleversés que nous avons un jour eu envie de prendre une guitare, à l’instar d’Escape From Shadows, œuvre d’un artiste exemplaire qui met toutes ses tripes dans son art et dont l’intégrité force le respect.
Nous ne sommes pas peu fiers de dédier à Patrick la couverture de ce numéro 146. Bonne lecture à toutes et tous !

Ludovic Egraz