ACTUELLEMENT
DISPONIBLE

N°146

KEVIN SAURA – La guitare en liberté

LA GUITARE EN LIBERTÉ

Blues rock survolté, be-bop effervescent, jazz west coast, funk incendiaire, free débridé… Kevin Saura, le Niçois, explose les codes ! Guitariste et compositeur caméléon, il illumine la scène avec un univers bigarré où la tradition flirte sans complexe avec la modernité. Entouré de son quintet d’élite — le Kevin Saura Group, avec Aurélien Miguel à la guitare, Romann Dauneau à la basse, Philippe Ciminato aux percussions et Félix Joveniaux à la batterie — le trentenaire libère une énergie brute et un appétit insatiable pour l’expérimentation. Deux ans après le prometteur « Dirty Talks », Kevin et sa bande de virtuoses reviennent avec « Ahead! » : un trip électrisant où l’énergie rock, le groove et la liberté du jazz fusionnent dans un cocktail atomique. Rencontre avec Mister Saura, figure montante et inspirante de la nouvelle vague, qui dynamite les frontières et bouscule les habitudes.

TU HABITES TOUJOURS À NICE ?

Oui. J’ai habité à Bruxelles pendant un an, et je faisais pas mal d’allers-retour à Paris pour jouer ou voir des potes. Désormais, je suis de retour à Nice, et je monte assez souvent. Il y a une petite « mafia » niçoise de musiciens de jazz à Paris (rires).

COMMENT EXPLIQUES-TU QUE BEAUCOUP DE JAZZMEN QUI ONT FAIT CARRIÈRE À PARIS VIENNENT DE NICE ?

Cela s’explique par le fait que le conservatoire de jazz est, je crois, le meilleur de France, et puis il y a le Nice Jazz Festival, qui est l’un des plus vieux festivals de jazz européen.

©DR

PARLE-NOUS UN PEU DE TON PARCOURS DE MUSICIEN…

J’ai commencé en autodidacte pendant une dizaine d’années, et je ne faisais que du rock. Mon point de départ, ça a été AC/DC et Angus Young. Ensuite, il y a eu Led Zeppelin, les Doors ou encore Hendrix. Je me suis arrêté aux 70’s. Le FM et le glam des 80’s, ce n’était pas du tout mon délire, alors j’ai fait l’impasse sur Van Halen et Steve Vai que je respecte, mais qui s’éloignent trop du blues à mon goût, pour aller directement à la case Nirvana et Pearl Jam. Après avoir pillé Angus et Jimi, j’étais vraiment à fond dans le blues rock, un délire assez free. C’est ce que je faisais avec des groupes de compo dans la région.

« Le FM et le glam des 80’s, ce n’était pas du tout mon délire, alors j’ai fait l’impasse sur Van Halen et Steve Vai que je respecte, mais qui s’éloignent trop du blues à mon goût, pour aller directement à la case Nirvana et Pearl Jam. »

 

COMMENT AS-TU ÉTÉ HAPPÉ PAR LE JAZZ ?

Il y a d’abord eu une bascule avec Les Red Hot Chili Peppers et John Frusciante et Rage Against the Machine, un autre type de rock plus fusion qui a ouvert mon horizon. Après ça, j’ai réalisé que si je voulais vivre en jouant, il allait peut-être falloir que j’apprenne un peu la musique, alors j’ai été passer une audition au conservatoire pour rentrer en classe de jazz. J’avais appris le thème de « Mr. P.C. » de Coltrane, mais je ne connaissais même pas les accords. J’étais vraiment en bois mouillé, comme on dit. Cependant, le prof de l’époque, Philippe Petit, m’a laissé ma chance. Paradoxalement, je n’aimais pas vraiment le jazz à ce moment-là. Le guitariste qui a été ma porte d’entrée dans cette musique, c’est Jim Hall. Tout ce qu’il joue est tellement musical que ses phrases me restaient dans la tête. Peu après, j’ai découvert le jazz fusion avec John Scofield. Cela a été une énorme révélation. En l’écoutant, je pouvais identifier toutes les influences blacks que j’aimais, le blues, la soul, le jazz, le funk, les rythmes New Orleans… Sco a été en quelque sorte mon deuxième Angus Young (rires). Mike Stern a été très important également.

AS-TU INFUSÉ CE VOCABULAIRE EN FAISANT DES RELEVÉS ET EN APPRENANT DES SOLOS ?

Pour ce qui est de la fusion, non, je n’ai pas spécialement relevé de phrases. Par contre, j’ai beaucoup bossé les standards, le be-bop, le swing, et je continue, même si ce n’est pas forcément le genre de répertoire que je mets en avant dans mes groupes. Donc, je travaille plutôt le jazz traditionnel en me concentrant sur l’écoute. Mon jeu fusion s’est forgé naturellement, en trouvant des points de convergence entre ma base rock et le vocabulaire du jazz. Pour répondre à la question, j’ai relevé des trucs de Wes Montgomery, de Jimmy Raney, de Jim Hall, mais j’avoue que je suis un peu feignant. J’aime bien relever des petits bouts de phrases qui tournent autour d’accords un peu complexes. Cela m’apporte des pistes à explorer.

EN GÉNÉRAL, SUIS-TU DES CHEMINEMENTS POUR TES SOLOS OU BIEN EST-CE TOTALEMENT FREE ?

Pour cet album, nous avons donné beaucoup de concerts avant d’aller en studio, alors j’avais des lignes directrices assez fortes au moment d’enregistrer les morceaux. Cependant, je ne prépare jamais de phrases, même si, on sait ce que c’est, il y a des tournures récurrentes, mais qui ne reviennent pas toujours aux mêmes endroits ni avec les mêmes intentions. Rien n’est jamais écrit, et spécialement avec ce groupe, la musique évolue constamment et les concerts ne se ressemblent jamais. D’ailleurs, en ce moment, je cogite sur le fait que nous aurions dû attendre un peu et enregistrer l’album maintenant, parce qu’entre-temps, nous avons trouvé plein de nouvelles idées d’arrangements vraiment cool à force de les jouer. J’imagine toujours l’évolution des morceaux comme une courbe.

UNE DES CHOSES TRÈS AGRÉABLES AVEC TON DISQUE, C’EST QU’IL Y A UN VRAI SON DE GROUPE, LÀ OU BEAUCOUP DE JAZZMEN FONT APPEL À DES SIDEMEN…

C’est vraiment le but. Le projet porte mon nom pour que ce soit plus simple, et accessoirement parce que j’apporte les compos (rires), mais il s’agit d’un véritable groupe. Nous répétons toutes les semaines, et nous façonnons les arrangements collégialement. Nous venons tous de la culture rock, alors pour nous, c’est très important cette notion de collectif et d’identité de groupe.

« J’aime bien relever des petits bouts de phrases qui tournent autour d’accords un peu complexes. Cela m’apporte des pistes à explorer. »

SUR LA ROUTE, QUAND VOUS ETES À L’HÔTEL, VOUS BALANCEZ DES TÉLÉS PAR LES FENETRES ?

Ouais, voilà, comme Pete Townshend et Keith Moon. On a une bonne assurance (rires).  

©DR

L’AUTRE CHOSE AGRÉABLE, C’EST LA VARIÉTÉ DES COULEURS ET DES STYLES. ON A L’IMPRESSION QUE VOUS NE VOUS INTERDISEZ RIEN…

Complètement ! En fait la première formule, c’était avec un organiste, ce qui limitait un peu plus les choses. C’était vraiment New Orleans, jazz/funk. Ensuite, j’ai eu envie de travailler avec un autre guitariste pour qu’il y ait moins de barrières de style. Si on a envie de faire quelque chose, on le fait sans arrière-pensée du moment que cela nous plaît.

ES-TU DU GENRE À TE LASSER RAPIDEMENT DES CHOSES ?

Oui, et quand je vais voir un concert, malheureusement, cela peut m’arriver très vite de m’ennuyer s’il n’y a pas assez de couleurs différentes ou bien si les structures sont toujours un peu similaires, alors assez naturellement, je cherche toujours à proposer des albums variés pour ne pas lasser les oreilles de l’auditeur, ni les miennes, ni celles de mes potes. J’aime quand il y a des courbes et de la dynamique.

AVEC AURÉLIEN MIGUEL, VOUS PRÉMÉDITEZ VOS PARTIES DE GUITARE ?

Oui, pour les thèmes, pour tout ce qui touche aux voicings d’accords, aux hauteurs et aux différents sons, c’est écrit à 90%. Il y a un travail préparatoire pour tout ça.

©DR

EN PARLANT DE SON, TU RESTES DANS LE REGISTRE CLEAN/CRUNCH. TON CÔTÉ ROCK’N’ROLL NE S’EXPRIME PAS TANT QUE ÇA SUR L’ALBUM…

Le côté rock et saturation ressort probablement davantage en concert, notamment au niveau des solos, c’est moins sage qu’en studio. J’utilise une distorsion RAT des 80’s, et j’ai tendance à mettre davantage de drive en live. Pour l’enregistrement, j’ai préféré rester plus modéré, parce que cette pédale peut avoir tendance à compresser le signal.

ES-TU DU GENRE A GEEKER SUR LE MATOS OU PLUTÔT A T’EN FOUTRE ?

Je suis un peu entre les deux. Je ne m’en fous pas, mais je reste assez simple. Avec ce groupe, je reste dans un son assez blues et naturel tandis qu’Aurelien se charge des effets et des colorations pour me faire des tapis et des ambiances. J’ai pas mal cherché mon matos, et j’ai trouvé quelque chose qui me correspond bien, avec un ampli Fender Deluxe Reverb 65, qui a à la fois de la rondeur et des aigus, pas trop criard ni « bassy ». D’ailleurs, j’ai pu constater que beaucoup de guitaristes demandent cet ampli en backline sur les tournées. Pour les pédales, j’ai la RAT, donc, un overdrive T-Rex Møller, qui a l’avantage de proposer un mix entre le signal direct et le son traité par l’effet et d’être équipé d’un boost, un delay MXR Carbon Copy, un chorus Electro Harmonix Small Clone réglé à la manière d’une pseudo leslie et une wah wah. Pour mes guitares, la principale est une Ibanez AS-200 de 1982, qui représente un bon compromis entre une guitare rock et quelque chose de plus jazz. Je la monte avec des cordes Ernie Ball .011/.048. Avec mes autres groupes, dont Bopster Blue, il m’arrive d’utiliser d’autres guitares, dont une Strat ou une vieille Epiphone.

T’INTÉRESSES-TU AU PARCOURS DES GUITARISTES DE TA GÉNÉRATION ?

Oui, bien sûr. À Paris, il y a Gustave Reichert et Matthis Pascaud qui sont hyper talentueux, mais pour être franc, je n’écoute pas trop de guitaristes… J’aime bien Julian Lage, John Scofield et Bill Frisell, même s’ils ne sont pas jeunes. Je regarde les « guitaristes Instagram », comme je les appelle, comme Mateus Asato et Matteo Mancuso que je suis depuis très longtemps et que je trouve très impressionnants, mais je n’ai pas eu l’occasion de les voir en concert. Je crois que je préfère le blues.

Ludovic Egraz

LE TOP 5 ALBUM DE KEVIN

1 – AC/DC : High Voltage (1976)

2 – Jimi Hendrix : Axis: Bold As Love (1967)

3 – Red Hot Chili Peppers : Mother’s Milk (1989)

4 – Jim Hall : Concierto (1975)

5 –  John Scofield : A Go Go (1998)

Kevin Saura Group.- EPK "AHEAD!" NEW ALBUM 2025

Kevin Saura Group - "Wild Serenade" (Live Sunset - Paris)