Il y a quelques mois, The Artistocrats, le power trio instrumental le plus fun et excitant de notre époque, sortait You Know What…?, un quatrième album aussi créatif que déjanté, sublimé par la guitare ensorceleuse du maestro Guthrie Govan. Le virtuose britannique s’est confié à Guitare Xtreme Magazine, et nous avons passé un très bon moment en sa compagnie.
Dans le petit monde de la guitare électrique, le gars Govan reste une énigme insondable. Frappé par la grâce, ce véritable phénomène s’exprime merveilleusement bien dans tous les registres musicaux référencés et ne semble jamais atteindre ses limites. Après une aventure courte, mais très fructueuse avec le parrain du rock progressif Steven Wilson, nous avons eu l’immense surprise de retrouver le pistolero britton au côté du compositeur allemand multi-grammyfié Hans Zimmer, qui ne tarit pas d’éloges quant à son poulain. En périphérie de ses activités de sideman, Govan poursuit ses explorations guitaristiques les plus folles avec The Aristocrats, un power trio instrumental taillé sur mesure pour son talent, véritable laboratoire de savants fous au sein duquel il peut laisser libre court à tous ses délires shreddy et psychédéliques. Cela faisait quelques années que Guitare Xtreme Magazine n’avait pas dressé un état des lieux avec ce véritable génie des six cordes. Nous sommes allés le retrouver à l’Alhambra de Paris juste avant le soundchecks des Artistocrats. Nous avons à nouveau tenté de pénétrer dans son univers en profondeur afin de percer l’insondable « mystère Govan ». Il nous a reçus dans sa loge avec beaucoup d’enthousiasme et de gentillesse, malgré toute la fatigue qui commence à peser sur ses maigres épaules. Go !
Dans cette formule de power trio, est-ce de plus en plus difficile de vous renouveler et de poser des idées fraîches sur la table ?
Non, et je dirais que c’est plutôt le contraire. Plus nous jouons ensemble et plus nous nous sentons libres. Avec les années, notre esprit de camaraderie se renforce, nous nous comprenons de mieux en mieux, alors forcément, nous avons encore plus confiance les uns envers les autres. Parfois, lorsque tu joues ce genre de musique instrumentale un peu fusion, tu ne sais pas vraiment quelles sont les limites que tu dois t’imposer en composant pour le groupe. Je crois qu’il n’y en a aucune, et que nous demandons tous les trois à être surpris pas nos idées mutuelles. Enfin, nos trois premiers disques ont été relativement rapprochés. Il y a eu quatre années de break entre Tres Caballeros et You Know What…?. Durant ce laps de temps, nous avons tous été joués à droite et à gauche. Lorsque nous nous sommes retrouvés, on s’est rendu compte que jouer ensemble nous avait beaucoup manqué, et nous étions gonflés à bloc, pleins d’énergie positive et débordants de créativité.
Avez-vous composé les morceaux de You Know What…? dans un esprit de jam-session ?
Non, ce n’est pas du tout le cas. C’est difficile de composer en faisant le bœuf quand on vit tous éparpillés entre l’Europe et la Californie. Nous ne pouvons pas louer un studio et nous y rendre tous les jours pour jouer durant plusieurs semaines, comme le faisaient les groupes dans l’ancien temps (sourire). Notre façon de faire pour chacun de nos albums, c’est plutôt de composer trois morceaux chacun. Ensuite nous réalisons des démos très abouties en poussant la production aussi loin que possible. De cette façon, lorsque nous nous échangeons des fichiers par internet, nous avons tous une vision très précise de ce qu’attendent les autres. Ensuite, pour que ça devienne du Artistocrats, il faut que chacun rentre dans les compos des uns et des autres pour se les approprier, et bien sûr, la mayonnaise prend dès que nous jouons ensemble en studio. Étant donné nos carrières respectives, c’est la seule méthode avec laquelle nous puissions travailler.
« Nous écrivons une musique que nous prenons plaisir à jouer et que nous aurions envie d’entendre si les Artistocrats n’existaient pas ».
Il y tout de même un feeling hyper live tout du long de l’album…
Oui, parce que nous mettons un point d’honneur à capturer les morceaux comme en concert, et nous n’utilisons pas de click avec de conserver un tempo aussi fluide et organique que possible. Quand le tempo est drivé par un ordinateur, ce n’est jamais aussi naturel que le feeling humain. Ensuite, par contre, nous ne privons pas de réenregistrer tout ce qui doit l’être afin que l’album soit aussi bon que possible. Je pense qu’il s’agit d’un excellent compromis. De même, dans nos compos, nous laissons toujours beaucoup d’ouvertures pour interagir et improviser. C’est un peu l’essence de notre trio.
Les fans des Artistocrats sont des nerds de la musique instrumentale. Est-ce un paramètre que vous prenez en compte lorsque vous composez ?
Non, absolument pas. Nous correspondons à un certain profil de musicien, nous connaissons par cœur nos personnalités respectives, et nous nous efforçons de composer une musique qui fonctionne le mieux possible avec notre « combinaison musicale ». Nous écrivons des morceaux que nous prenons plaisir à jouer et que nous aurions envie d’entendre si les Artistocrats n’avaient pas existé. Après, nous avons confiance en nos fans, et ils se trouve qu’à chaque fois, ils adorent la musique que nous concevons naturellement. Je pense que quand un groupe fonctionne de cette façon, alors il rencontre son public et qu’il y a une belle osmose. Ce serait un peu malsain d’organiser une réunion marketing et de nous dire : « OK ! Nos fans correspondent aujourd’hui précisément à tel profil. Essayons de concevoir spécifiquement un produit afin de répondre à leur demande ».
Et dans ta position de guitariste, essaies-tu de te renouveler album après album ?
Le truc important me concernant, c’est que je réfléchis hyper rarement avec une perspective de guitariste. Je me suis toujours efforcé d’envisager la musique dans sa globalité. Mon but est avant tout de proposer des compositions dignes d’intérêt, et c’est probablement ce qui me stimule à jouer de façon créative, et là encore, c’est une démarche plus saine que de tenter de botter les gens avec un nouveau plan d’escroc sur l’instrument, un truc technique sans intérêt. En travaillant de cette façon, au final, il y a toujours plein de choses que je joue sur nos albums que les guitaristes vont trouver cools, mais il ne s’agit que d’un sous-produit de mon boulot de compositeur.
Comme le dit Frank Gambale, lorsqu’un saxophoniste entend un solo de John Coltrane, il ne demande quel technique ou quel doigté il utilise. C’est une chose très spécifique aux guitaristes…
Il a totalement raison, oui. Chez les guitaristes d’un certain profil, il y a une fascination pour la prestidigitation, appelons ça comme ça. La relation entre un son bien précis et un effet visuel. Certains gars vont voir Tosin Abasi ou un autre guitariste jouer du slap en double thump et ils vont se dire : « Wow ! ça rend super bien cet effet. Il faut que je le bosse pour pouvoir le faire également et que je l’ajoute à mon arsenal ». Bien sûr, ce n’est pas ce qui va faire d’eux des guitaristes aussi cools que Tosin. Cela n’arrive pas qu’avec les guitaristes. Il m’est arrivé d’être fasciné en regardant Jacob Collier, et je ne suis pas le seul. Certains se l’observent et sont happés par des petits détails de son univers, des tours de magie : « Je vais travailler l’harmonie négative ou l’intonation micro tonale comme Jabob, parce que ce sont les armes secrètes qui lui permettent de faire ce qu’il fait ». Évidemment, c’est totalement faux. Jacob fait ce qu’il fait parce c’est un génie de la musique. Pour déverrouiller les clés qui font de Jacob un si grand artiste, c’est impossible de se contenter de le regarder par le petit bout de la lorgnette.
Mais tu as dû avoir toi aussi une période obsessive avec la guitare…
Mon histoire est particulière, puisque j’ai commencé très jeune, et que je jouais déjà dans un registre blues rock vers l’âge de huit ou dix ans. Durant l’adolescence, oui, c’est vrai. J’ai été dans le dur de l’apprentissage guitaristique, et je voulais connaître tous les « tours ». C’est comme si j’avais dû apprendre à utiliser un énorme logiciel, et que pour y parvenir, j’avais appris la moindre ligne du manuel par cœur jusqu’à être absolument certain d’avoir fait le tour de toutes les possibilités (rires). J’écoutais beaucoup de guitaristes dans des styles très divers et j’absorbais leurs jeux pour enrichir mon propre vocabulaire.
« La notion de perfection est un concept dangereux, parce que la perfection est inatteignable. »
Tu t’exprimes effectivement dans beaucoup de registres allant du blues à la fusion en passant par le jazz ou le rockabilly. As-tu l’impression de maîtriser tous ces styles ?
Déjà, je pense que personne n’est capable de jouer un style à la perfection. La notion de perfection est un concept dangereux, parce que la perfection est inatteignable. De mon point de vue, le plaisir d’être un musicien, c’est de savoir que même en bossant comme un dingue, on n’arrivera jamais au bout au point de se dire : « OK ! J’ai atteint mon but, désormais je peux m’arrêter de chercher et de travailler ». Je continue de m’améliorer encore et encore, et je sais que ce sera toujours comme ça, et que plus j’apprends et plus le champ des possibilités s’élargit. Après, il y a des guitaristes qui décident de se concentrer sur un genre musical bien précis. Il peut s’agir du be-bop, du death metal, de la country, peu importe. Ils décident de vouer leur vie à peaufiner tous les différents aspects d’un seul style. Mais nous ne sommes pas tous comme ça. Personnellement, ce qui me fascine, c’est d’apprécier la musique sans aucune frontière et de développer un jeu hybride à partir de tous les éléments qui m’excitent dans tous les genres. Je pense qu’aujourd’hui, c’est une des seules façons de créer quelque chose de nouveau. Un cuisinier ne peut plus inventer un nouveau type de légume. Tout ce qu’il peut faire, c’est essayer de les cuisiner différemment, et éventuellement de les mélanger entre eux pour découvrir de nouvelles saveurs.
Penses-tu qu’en matière de musique tous les légumes ont déjà été inventés ?
Il est toujours possible d’inventer de nouvelles variétés de tomates en mélangeant une espèce plus grosse avec une autre plus juteuse et goûteuse et d’une couleur différente. On pourra toujours continuer d’évoluer et c’est pareil avec la musique.
Penses-tu que ce soit incontournable de faire des relevés pour étendre son vocabulaire ?
Oui, mais avant tout, quand on découvre un nouveau style ou un nouveau guitariste et que l’on veut s’en imprégner, il faut commencer par aimer ce que l’on entend. C’est difficile d’apprendre quelque chose qui ne résonne pas en nous. Il faut pouvoir se dire : « J’aime vraiment ce que j’entends, et si j’arrive à l’absorber, je sais comment je pourrais l’utiliser dans ma propre musique ». Généralement, quand on aime profondément quelque chose au point de vouloir l’apprendre, on le faire sans forcer, et ça vient naturellement. Quant aux transcriptions, il existe plusieurs façons de le faire. Coucher la musique sur papier n’est pas une obligation. Personnellement, je fonctionne à l’oreille. Je n’ai pas appris la guitare avec un prof, mais en jammant avec les disques de mes parents. Je m’imprégnais tellement de ce que j’entendais que mes doigts trouvaient la manière de le restituer sur l’instrument.
Le développement de l’oreille est d’une certaine façon plus important que la pratique des gammes et des arpèges…
Je dirais que oui, du moins pour ce que je fais. C’était intéressant de jouer dans la formation de Hans Zimmer, dans laquelle il y a une formation rock et un orchestre traditionnel. En échangeant avec les musiciens classiques, je me suis rendu compte qu’ils sont totalement découragés à l’idée d’improviser. Cela ne fait pas partie de leur boîte à outils. Leur façon de prendre leur pied avec leur instrument, c’est de prendre une partition qui a été écrite il y a 300 ans, de l’étudier, et de restituer l’œuvre au mieux de leurs capacités. Cela ne réclame pas du tout les mêmes compétences. Personnellement, je serais incapable de faire ce qu’ils font, mais en revanche, je me sens à l’aise dans l’improvisation. Les musiciens classiques avaient l’habitude d’improviser énormément dans l’ancien temps, mais c’est un art qui s’est perdu au fil des siècles.
Un peu comme dans le rock du reste. Quels conseils donnerais-tu aux guitaristes qui jouent sans arrêt les mêmes solos et qui n’arrivent pas à se libérer ?
Tout d’abord, vous devez vous dire à vous-même d’être plus libre, et retrouver une certaine innocence, retrouver votre « enfant intérieur ». C’est la meilleure façon de renouer avec une approche du jeu plus créative et instinctive. D’autre part, écoutez autant de musique que possible, mais faites-le de façon plus intelligente et analytique. C’est de cette façon que vous engrangerez du vocabulaire. C’est une chose assez abstraite en réalité. Lorsque je suis tout seul backstage ou dans une chambre d’hôtel j’aime bien prendre ma guitare, imaginer des idées aussi aventureuses que possible, et d’essayer de les restituer sur l’instrument. Parfois, j’échoue, et il s’agit d’une excellente façon d’explorer mes limites. Je parle de cela dans mes clinics. Les musiciens improvisateurs n’ont que deux axes de progressions. Premièrement, si vous arrivez à jouer tout ce que vous entendez dans votre tête, mais que vous tournez en rond et que vous faites toujours la même chose, c’est que vous manquez de vocabulaire et que vous devez écouter davantage de musique. Si vous avez des idées plein la tête, mais que vous n’arrivez pas à le jouer spontanément, alors vous devez travailler votre oreille et améliorer votre technique. Ces deux éléments cohabitent forcément chez un improvisateur accompli.
Donc, même à ton niveau, tu continues parfois de te sentir limité. C’est assez rassurant…
Bien sûr que je me sens limité, et j’aime ça. C’est comme si le dernier épisode de Breaking Bad n’arrivait jamais. Je suis perpétuellement en état d’excitation par rapport à la musique, et chaque jour en me réveillant, je sais qu’il faut continuer de bosser pour « nourrir le patron ». Ma propre perception de ce que je suis capable de faire évolue sans cesse, mais à chaque étape franchie, le but à atteindre s’éloigne encore davantage, comme un mirage.
Tu n’es pas un « guitariste à effets ». Aimerais-tu expérimenter davantage avec les pédales ?
Pourquoi pas ? Pour moi, c’est toujours une histoire de contexte musical. Par exemple, dans le nouvel album, il y a des choses vraiment folles que j’ai conçues avec des effets, mais cela ne ressemble parfois plus du tout à de la guitare, mais plutôt à un clavier ou à un sample. Réécoute des trucs comme « Burial at Sea » ou « Spiritus Cactus » sur le dernier album. Tous les petits effets que tu entends dans l’arrangement sont fait avec la guitare et la petite pédale Eventide H9 Max dont les possibilités sont dingues. J’ai aussi joué sur certaines B.O de Hans Zimmer, notamment Dark Phoenix. J’ai joué des parties de slide avec un e-bow, un ring modulator et un pitch shifter. À l’arrivée, cela ressemble à tout sauf à une guitare, et cela incarne vraiment l’une de mes facettes. Avec les Aristocrats, tout se passe dans le moment, et j’ai un sens très développé de ce qu’une guitare électrique peut faire lorsqu’elle est branchée dans un ampli à lampes, et avec un set-up très simple, je peux déjà produire une grande palette de sons. Les effets, c’est un peu moins intuitif pour moi.
« Un cuisinier ne peut plus inventer un nouveau type de légume. Tout ce qu’il peut faire, c’est essayer de les cuisiner différemment, et éventuellement de les mélanger entre eux pour découvrir de nouvelles saveurs. »
Tu joues parfois avec un Fractal. Que penses-tu de la réponse de ses machines à modélisation ?
Je pense qu’à chaque nouvelle génération de simulateur, on se rapproche encore davantage de la vérité. Avec le Kemper et les bonnes IR, c’est difficile de faire la différence. Idem avec le Axe-FXIII que j’utilise à la maison lorsque je dois enregistrer un featuring ou ce genre de chose. C’est bluffant ! Le truc qu’il faut garder en tête, c’est que ces machines ne tentent pas d’émuler un ampli guitare. Elles tentent d’émuler l’enregistrement d’un ampli de guitare réalisé dans un studio tel qu’on l’entendrait dans la cabine de contrôle. C’est intéressant de comparer la repique d’un ampli placé dans une cabine avec un simulateur. Honnêtement, dans la régie, c’est difficile de faire la différence. Le véritable débat est plutôt : peut-on être inspiré sur scène par le son d’un modélisateur ? C’est beaucoup plus épineux, parce qu’effectivement, la réponse n’est pas du tout la même, sans parler des phénomènes électro-acoustiques, tels que le feedback, que nous utilisons pour jouer.
Que penses-tu de la disparition progressive des guitar heroes ? Y a-t-il selon toi une raison à cela ?
Cela est probablement dû au fait que la fonction de la musique dans la société à légèrement évolué. Vous êtes focalisés sur le monde de la guitare, parce que vous êtes un média guitare, mais zoomez davantage et regarder l’ensemble du monde de la musique. Prince, Michael Jackson et John Lennon sont morts, et il n’y a personne pour remplacer ces icônes. Je pense que ce phénomène intéressant est dû à m’émergence d’internet. Cela signifie qu’un ado qui a besoin d’affirmer son identité ne va plus nécessairement s’habiller comme un métalleux avec des t-shirts de ses groupes favoris : « Je suis membre de la Kiss Army » (rires). Avant la musique avait cette fonction, mais aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux qui ont pris le relais. Je suis persuadé que nous vivons une période intéressante pour la musique. C’est plus facile que jamais de trouver les genres musicaux qui vont vous passionner et découvrir des communautés de fans qui vont partager le même engouement. Il y a des genres musicaux qui émergent partout grâce à internet, et finalement, c’est probablement mieux que d’acheter une guitare pour essayer de ressembler à Eddie Van Halen (sourire). Ce nouveau monde apporte définitivement plus de diversité. Mais les guitar heroes reviendront probablement. À la fin des 70’s, la guitare était dépassée par la technologie, presque anachronique. Et puis elle est revenue en force dans les 80’s portée par un nouveau genre musical. Personne ne pouvait prédire l’explosion d’un type comme Van Halen avant qu’il existe. Nous sommes probablement dans la même situation, car tout n’est que cyclique.
« J’ai un sens très développé de ce qu’une guitare électrique peut faire lorsqu’elle est branchée dans un ampli à lampes, et avec un set-up très simple, je peux déjà produire une grande palette de sons. »
Beaucoup de gens te voient comme le meilleur guitariste électrique actuellement vivant. Tu en penses quoi ?
Je suis très content que les gens aiment ce que je fais. Cela signifie qu’ils achèteront peut-être des tickets de concert et que je pourrais continuer encore quelque temps de jouer pour gagner ma vie (rires). Évidemment, la notion de « meilleur » ne veut rien dire en musique. Je me vois comme un type jouant de la guitare depuis très longtemps. Je sais intimement ce que je suis capable de faire et ce que je ne sais pas faire, exactement comme vous tous. Cela me fait plaisir de constater que certaines personnes ont été inspirées par ma façon de jouer et que cela les a aidés à avancer, mais si je commençais à penser : « OK ! Je suis super bon, je suis l’un des meilleurs », ce serait désastreux, probablement destructif. Je pense que cela tuerait ma créativité. Je lis des choses ici et là, mais j’essaie de ne pas prendre tout cela très au sérieux.
Disons que tu as développé un phrasé chromatique assez moderne dans un contexte de son saturé avec un sens développé du timing. Personne ne le faisait réellement avant toi…
C’est possible, oui. C’est toujours embarrassant d’essayer d’imaginer comment les autres pourraient percevoir ma façon de jouer. Si j’ai pu contribuer à donner des biscuits aux guitaristes de la nouvelle génération pour qu’ils utilisent un phrasé plus élaboré, qu’ils utilisent davantage la dynamique avec un meilleur son, qu’ils s’amusent davantage avec le rythme et qu’ils soient plus curieux d’une manière générale. J’ai lu une interview de Tosin dans laquelle il explique à quel point je l’ai inspiré. Ce qui est chouette, c’est que je suis également inspiré par Tosin, et qu’à l’arrivée, même si Erotic Cake a été important dans son évolution de musicien, il ne joue pas du tout comme moi et il a une forte personnalité. Ça m’ennuierait assez d’être entouré de clones de Guthrie Govan.
Un mot sur le matériel que tu utilises actuellement en tournée ?
Les choses n’ont pas vraiment évolué. Je joue toujours avec ma Charvel signature et mon ampli Victory V30 Mk II. C’est un rig simple et peu encombrant que je peux trimballer en avion. Je peux jouer sur n’importe quelle enceinte de location à condition qu’elle embarque des HP Celestion V30. Pour les effets, en revanche, j’ai remplacé les pédales par un multieffets Fractal FX8. Si j’ai envie de m’acheter une nouvelle pédale, je sais qu’elle déjà à l’intérieur de cette machine qui est super pratique et qui sonne super bien.
Ludovic Egraz