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N°146

CHRONIQUE : PATRICK RONDAT – ESCAPE FROM SHADOWS

PATRICK RONDAT
ESCAPE FROM SHADOWS
Verycords

 

Il est parfois difficile de comprendre ce qui peut occasionner un hiatus discographique de plus de vingt ans dans la carrière d’un musicien, surtout lorsque celui-ci reste actif et continue de tourner sporadiquement. Imputons cela aux mutations successives d’une industrie qui peine à se réinventer, à une incompréhension face à un monde superficiel et de plus en plus épileptique, sans oublier les morsures de la vie plus on avance dans l’âge… Toutes ces choses peuvent amener un ultra-sensible tel que Patrick Rondat à se forger une armure protectrice qui finit par l’empêcher d’être en phase avec ses émotions et de créer. Le musicien sort des ténèbres avec ce sixième opus et ce n’est pas sans une certaine appréhension que nous l’avons posé sur la platine, mais notre crainte que le boss soit devenu une caricature de lui-même s’estompe rapidement. L’ouverture orchestrale nous met d’emblée en orbite autour de sa planète et même si nous retrouvons, dès les premiers riffs et mélodies, tous les codes qui nous ont botté à l’époque dans Amphibia et An Ephemeral World, il est évident que Patrick reste capable de nous surprendre et de se réinventer. La chose se confirme plus on avance dans l’album et plus on s’immerge dans ce fluide singulier à base de hard rock, de metal progressif et de jazz fusion saupoudré de résurgences néo-classiques. Les mélodies émanent des profondeurs de l’âme et virevoltent, animées par l’expressivité et la virtuosité de l’artiste, avec cette matière sonore abrupte et exempte de tout artifice qui dévoile la nature de son toucher dans toute son authenticité, mais également la force de son engagement artistique et sa générosité, ce qui le place dans la catégorie d’un Jeff Beck (écoutez le convulsif « From Nowhere ») ou d’un Al Di Meola (le solo final de « Invisible War »). La technique est là, mais comme une énergie sous-tendue, et ce sont toujours les émotions qui causent. La diva de la soul Gaëlle Buswel vient prêter son organe et ses mots à « Now We’re Home » (une première chez Patrick) et l’album s’achève sublimement avec une revisite électrique à la fois délirante et révérencieuse du « Prelude And Allegro » de Fritz Kreisler, conversation entre la guitare et le piano de Manu Martin. Du très grand Rondat !

Ludovic Egraz

PATRICK RONDAT - Invisible Wars (Official audio)